vendredi 29 mai 2009

Kosovo: l'échec multiethnique.


Bref résumé:

. L'ancienne province yougoslave, puis serbe du Kosovo a déclaré son indépendance le 17/02/08
. Le Premier Ministre est Hashim Thaci, ancien chef de l'UCK.
. Présence internationale: Eulex, assistance civile, surtout en matière juridique.
. Unmik, désormais réduite à sa seule mission de maintien de la paix.
. OSCE, mission d'évaluation globale.
. 60 pays ont reconnu le Kosovo, dont seulement 7 depuis le début de l'année. Sur ces 60 pays, 14 sont les habituels Nauru, Micronésie et Iles Marshall dont la décision est tout sauf souveraine.
. L'aide internationale constitue 33% du PIB, les remises de l'étranger 13%.
. L'ancien procureur du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie, Carla Del Ponte, a annoncé vouloir quitter son poste d'ambassadeur suisse auprès de l'Argentine pour mener l'enquête sur les accusations de trafics d'organes et d'êtres humains portées contre Hashim Thaci et l'UCK.
. La Serbie a saisi la Cour Internationale de Justice qui a accepté de se prononcer sur la légalité de l'indépendance du Kosovo. Officiellement, tant que l'ONU ne la reconnait pas, le cadre institutionnel est défini par la résolution 1244.

Un rapport très critique

Le 27 mai 2009, l'ONG Minority Rights Group International publie un rapport sur la très précaire situation des minorités au Kosovo. Les serbes, les roms, les turcs, les goranis (serbes musulmans), les bosniaques (slaves musulmans), les égyptiens (roms musulmans).
On peut y lire:
"Restriction of movement and political, social and economic exclusion are particularly experienced by smaller minorities"

“These minorities also suffer from lack of access to information or to tertiary education in their own languages. This, combined with tough economic conditions, have resulted in many of these groups starting to leave Kosovo altogether”

La constat de 2007 n'a fait que se confirmer et empirer:

"international rule in Kosovo, rather than breaking down segregation, was entrenching it"

Enquêtes de l'OSCE sur le terrain (1.-2.)

1.
L'OSCE publie en mars 2009 un rapport sur les contentieux relatifs au droit de propriété.

Dans le chapitre relatif à la situation sous contrôle albanais on peut y lire les constatations suivantes:

"However, the means used by the courts in the cases monitored by the OSCE raise concerns in terms of effectiveness and may be discriminatory. In the absence of an official gazette in Kosovo which would publish court announcements, most of the courts are publishing such announcements in daily newspapers in the Albanian language, which are unlikely to be read by Kosovo Serbs.

Additionally, court files often do not contain any information regarding the public announcement, which may lead to the conclusion that courts are not complying with the applicable law in this respect. The failure of courts to make reasonable efforts may leave respondents unaware of court proceedings against them.

As the temporary representatives do not meet with their clients,they have difficulty in presenting evidence or adequately defending the respondents’ interests in court.
Absent respondents do not have a reasonable opportunity to present their cases to the court, and consequently are under a disadvantage vis-à-vis their opponent.

Thus, in many of these cases courts violate the principle of equality of arms.
In addition, by failing to apply reasonable means to locate the respondents, the courts violated procedural rules for the appointment of a temporary representative."

Inversement, dans le secteur sous contrôle serbe la situation est satisfaisante.

2.
L'OSCE publie en avril 2009 un rapport sur l'accès à l'éducation des minorités.

On peut y lire:

"The Serbian Ministry of Education provides textbooks free of charge for Roma first grade students in Mitrovicë/Mitrovica and Gjilan/Gnjilane regions, and for Gorani students in Dragash/Dragaš, while Kosovo Serb students must pay approximately € 60 for a set of education material for one grade"

tandis que chez les albanais:

"Gorani pupils face great difficulties in receiving education in Serbian as they desire, while there is no Kosovo curriculum in this language"

Ou encore:

"Kosovo Bosniak students who follow the Serbian curriculum consider that this system ensures a good educational development across academic fields. However, they underscore that it lacks sensitivity and adaptation to their cultural diversity"

"In the northern municipalities of Mitrovicë/Mitrovica region, Kosovo Albanian students have access to the Kosovo curriculum"


alors que chez les albanais:

"Curricula and textbooks for the general subjects are created by Kosovo Albanian experts and then translated into Turkish and Bosnian. In both cases, translation is often considered poor."

"Kosovo Serb displaced families with school aged children deem lack of access to school facilities at their place of origin a major obstacle to return, second only to lack of job opportunities."

La tutelle internationale est aveugle

-Les minorités quittent le Kosovo
-L'économie est sous perfusion
-Le Kosovo reste le principal axe d'importation de drogue et de traite des femmes en Europe
-Le Kosovo est dirigé par des chefs mafieux (HRW)
-Le nationalisme albanais a remplacé le nationalisme serbe
-En 2008, seuls 80 sur 200 000 serbes réfugiés ont pu revenir chez eux.
-La Serbie devenue démocratique a été désaisie du Kosovo (au mépris de la résolution 1244) pour protéger les minorités!
-L'Etat de droit n'est pas assuré.

Seule la base militaire américaine de Camp Bondsteel se développe... Et même le projet d'oléoduc Nabucco est gelé.

Le 10 décembre 2007, je mettais en garde sur ce blog sur les conséquences inévitables d'une indépendance n'apportant aucune solution aux problèmes.
Aujourd'hui, alors que la communauté internationale laisse de plus en plus de pouvoirs aux autorités du Kosovo, l'espoir faiblit de régler les questions relatives aux minorités, aux réfugiés, à la nécessaire normalisation régionale.
Nous sommes sur la voie d'un échec.
Au mépris des discours libérateurs de 1999, et dans l'indifférence du chef de la diplomatie française, pourtant à la tête du Kosovo pendant 2 années, celles où le nettoyage ethnique par les albanais allait être entériné par l'OTAN et l'ONU.
Le retour de ces réfugiés est plus improbable que jamais. (Photo IDP ONU)

lundi 18 mai 2009

La Turquie musulmane? Une réalité à définir.


En décembre, sous présidence française, un nouveau chapitre (sur 33) du dossier d'adhésion de la Turquie à l'Ue a été ouvert. Il s'agit de celui relatif à l'économie et la politique monétaire, 12e chapitre ouvert, mais la France en a gelé 2 en décembre 2006. Entamé en 2005, le processus à ce rythme ne serait guère terminé pour 2045!
Les élections européennes des 6-9 juin à venir sont aussi l'occasion d'un débat renouvelé sur la pertinence d'une telle adhésion. Si les manoeuvres politiciennes paraphrasant Gainsbourg (Je t'aime, moi non plus) ont eu un effet, ce n'est pas d'offrir un chemin à suivre, mais bel et bien de susciter une méfiance mutuelle accrue entre Turcs et Européens.
En Espagne le "non" a gagné 29 points en 4 ans, passant de 22% à 51%.
En Turquie le "oui" a perdu 25 points entre 2003 et 2006, bénéficiant encore d'une courte majorité.

Cette crise de confiance réciproque relève de multiples ressorts. Le plus souvent, on met en avant la nature asiatique de la Turquie (meeting de N.Sarkozy avec A.Merkel à Berlin début mai), ou le besoin de nouvelles institutions européennes avant tout nouvel élargissement. Echappe à cette règle la Croatie, soutenue par l'Allemagne.
Mais une étude comparative des cinq plus vastes opinions publiques d'Europe montre que la principale pierre d'achoppement est culturelle. Et spécifiquement: religieuse.
Cet aspect arrive en tête des préoccupations italiennes (44%), allemandes (43%) et britanniques (29%); deuxième et troisième en France (34%) et Espagne (28%), derrière les Droits de l'Homme et la condition des femmes pour cette dernière. Les arguments géographiques, économiques ou institutionnels n'arrivent que loin derrière, autour de 10-15%.

Ajoutons à cela l'irritation grandissante des responsables européens face au comportement ouvertement islamique de l'AKP au pouvoir -suite au sommet de l'Otan, le ministre français des Affaires Etrangères B.Kouchner lui-même a changé d'avis, j'analyse ceci sur mon blog-: la nature musulmane de la Turquie est au coeur de cette crise de confiance. C'est ainsi 14 ans de négation de cet aspect (depuis les accords douaniers) qui sont balayés par la réalité.

Je veux alors par cette série d'articles fournir une image plus précise de la Turquie musulmane, afin de ne pas se méprendre sur certains aspects. Successivement, seront traités:

1-La Turquie officiellement musulmane
2-Un Islam? Des Islams!
3-Les minorités religieuses reconnues
4-Les nouvelles pratiques religieuses
5-Perspectives

mercredi 6 mai 2009

Vague de chaleur russe en Géorgie



Géorgie
: depuis un mois, nous assistons à une escalade des tensions.
Petit récapitulatif:

janvier: incidents à la frontières, des blessés, un mort (16 janvier)
Pavel Felgenhauer*, analyste russe spécialisé dans les questions de défense met en garde contre un nouvel engrenage guerrier.

février: accord pour la prévention des incidents et enquête relative signé à Bruxelles. Accalmie.

mars: le Conseil de l'Europe met en garde la Russie sur son traitement des libertés individuelles, et le sort réservé aux géorgiens.

9 avril: début des grandes manifestations de l'opposition sous la conduite de Nino Bourdjanadze, Salomé Zourabichvili, Zviad Dzidzigouri et Irakli Alassania.

10 avril et suivants: essoufflement du mouvement, peu suivi. Hormis quelques interpellations en province, le gouvernement de Saakachvili laisse faire.

première quinzaine d'avril: des activistes arméniens sont arrêtés en possession d'armes de combat.

16 avril: l'Otan confirme la tenue d'exercices militaires début mai.

17 avril: la Russie confirme et justifie les édifications militaires en Ossétie du Sud et Abkhazie

18 avril: le président russe Medvedev met en garde l'Otan. La possibilité du déploiement de missiles à Kaliningrad est à nouveau évoquée.

21 avril: deux observateurs de l'OSCE sont fait prisonniers par les milices ossètes en territoire contrôlé par l'Ossétie du Sud.

22 avril: 70 chars russes passent le tunnel de Rokhi pour gagner l'Ossétie du Sud, des manoeuvres amènent 130 chars à l'extrémité Sud-Est de la république séparatiste (point le plus proche de Tbilissi)

23 avril: accrochage entre milices ossètes et policiers géorgiens

28 avril: la Russie annonce qu'elle prend en charge les frontières de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie suite à un accord avec les deux républiques séparatistes. Signé le 30.

29 avril: le Conseil de l'Europe note que "Les villages d'Ossétie du Sud précédemment sous contrôle géorgien ont été entièrement rasés, à l'exception de quelques maisons. L'intention de procéder à un nettoyage ethnique des Géorgiens dans cette zone est évidente"

30 avril: l'Otan expulse deux diplomates russes, liés à une affaire d'espionnage en Estonie.

2-4 mai: l'opposition géorgienne se remobilise, et adresse un ultimatum à la présidence: démission le 9 ou désobeissance civile massive.

4 mai: le ministre russe des Affaires Etrangères S.Lavrov annonce qu'il n'ira pas au Conseil Russie-Otan prévu dans la deuxième quinzaine du mois.

5 mai: un bataillon de la base de Mukhrovani refuse d'executer des manoeuvres, une courte négociation obtient une solution. Le même jour, une tentative de putsch par un réseau de militaires actifs et à la retraite est dénoncé par le ministre de l'Intérieur.
L'ambassadeur russe à l'Otan dénonce l'implosion du pays, la Géorgie accuse Moscou.
Le gouvernement enjoint en outre les manifestants à cesser leurs actes de désobeissance pour le 16 mai, et permettre aux géorgiens de reprendre leurs activités.

6 mai: début des exercices de l'Otan sur la base de Vaziani.


Pour la Géorgie, en plus des liens proposés sur le bandeau latéral, l'agence de presse Ria Novosti dispose d'un moteur de recherche interne très efficace (en anglais!) et le site civil.ge présente lui l'avantage de donner la parole à toutes les opinions. Et aussi un blog francophone pro-géorgien très bien sourcé: je remercie Jean Boris Urban.

*Pavel Felgenhauer est un journaliste militaire russe respecté et un personnage connu de l'opposition russe. Son article (Ce n'est pas une guerre spontanée, mais bien une guerre planifiée), Novaya Gazeta, le 14 août 2008, démontrant que la Russie avait bien planifié l'invasion de la Géorgie bien avant le 8 août 2008, fit le tour du monde.

Norvège, la vraie droite décomplexée





Norvège: les élections de l'automne prochain avancent à grand pas.
La campagne électorale va être marquée par la très forte ascension du Parti du Progrès (Fremskrittpartiet). Sous la houlette de Mme Siv Jensen, une dynamique nouvelle porte les intentions de vote à une moyenne de 28%.
Comme d'autres partis de droite dure en Europe, nous sommes là en présence d'un sujet à la nature bien différente de celles de nos habituels dinosaures d'extrême-droite.

Car si en effet les partis traditionnels peinent à communiquer sur les étiquettes de communistes, socialistes, sociaux-démocrates, libéraux, chrétiens-démocrates, l'extrême-droite elle a connu une cure de jouvence, imposée et choisie.
Imposée sous la pression commune des opinions publiques et des législations européennes qui ont été vigilantes tout au long du XXe siècle. Les trois tombes vandalisées par des adolescents analphabètes destructurés ne font peur qu'aux corbeaux qui ont trouvé plus noirs qu'eux.
Choisie, car la nouvelle génération qui a pris les commandes de ces partis a intégré certains acquis démocratiques et libéraux, à un point qui aux yeux de certains relève de l'escroquerie.

La facilité consiste à caricaturer, affubler de toutes les mauvaises intentions, renvoyer à la Seconde Guerre mondiale dans des réflexes hérités qui ont bien marché dans les années 80 et 90. Plus rares sont ceux qui acceptent de regarder la réalité en face.
Pourquoi aux Pays-Bas les partis de Rita Verdonk et Gert Wilders, identitaires et islamophobes, arrivent en tête du vote gay? Et ce dans des fourchettes allant de 27 à 40% ?
Pourquoi en Autriche les jeunes électeurs ont placé l'extrême-droite en tête de leurs préférences avec 40% de leurs voix?
Pourquoi en Italie la classe moyenne est le cœur du vote de la Ligue du Nord?

Les commentateurs cherchent toujours des explications techniques. Lassitude, contestation, charisme du leader, populisme et promesses faciles. Ce n'est jamais à cause (grâce?) aux idées défendues.
Il serait peut-être temps d'écouter ce qu'ont à dire les électeurs de ces partis.
Siv Jensen en Norvège en est peut-être la synthèse la plus aboutie:

Féminisme: intégrant les conquêtes des années 60-70-80, contrairement à la vieille extrême-droite caractérisée par les "3 k" allemands: Kirche, Küche, Kinder. Egalité hommes-femmes farouchement défendue.
Environnement: critique des théories des Verts vécues comme une crainte pour la croissance, mais favorables aux politiques de développement durable et de comportements citoyens.
Liberté d'expression: hier c'était pour le révisionnisme, aujourd'hui c'est pour la critique des religions. Plus largement, refus de la criminalisation de la parole.
Mondialisation: refus de mettre en concurrence l'ouvrier européen avec l'ouvrier chinois, taxes douanières en fonction des progrès sociaux et environnementaux des pays en développement.
Islam: refus global "à lui de s'adapter, pas à l'Europe de s'adapter à lui"
Sans effacer le triptyque sécurité-immigration-souveraineté nationale, la droite dure étoffe son discours.

Les sympathisants ne se définissent absolument pas comme des conservateurs réactionnaires, mais bel et bien comme des progressistes, modernes, et vrais défenseurs des valeurs libérales européennes. Vu de France avec notre FN issu de la guerre d'Algérie, on a du mal à s'en rendre compte. Mais la nouvelle droite dure européenne de Wilders, Streiche, Jensen a réussi à symboliser aux yeux d'un bon tiers de l'électorat la défense de nos démocraties modernes.

Ce n'est plus l'extrême-droite qui refusait la modernité. C'est une droite qui incarne la modernité en danger (Islam, mondialisation, Chine, réchauffement climatique...) Supercherie pour les uns. Mutation qui leur ouvre le chemin du pouvoir selon moi. Défi que les partis traditionnels se doivent de relever.



Pour la Norvège, la page Wikipédia en anglais sur les élections à venir et la page norvégienne du FrP sont régulièrement mises à jour.


Européennes: les eurosceptiques font l'Europe ?



Élections européennes : vu de France, il n'y a pas de quoi faire frémir une branche d'arbre.
Mais vu de Suède, Italie ou Allemagne, ce n'est pas mieux!
Il y a à cela des raisons de niveau mondial, européen et national.

Au niveau européen: le rejet par la France et les Pays-Bas du Traité Constitutionnel Européen a très largement calmé les ardeurs des fédéralistes. Hormis quelques initiatives isolées socialistes, tout le monde est suspendu au référendum irlandais de la fin de l'année. Le Traité de Lisbonne, une copie sans âme du TCE, est la bouée de sauvetage des europhiles traditionnels. L'avenir institutionnel de l'Europe ne se joue donc pas la première semaine de juin.

Le volet politique est lui aussi occulté par le relatif consensus apparu après le G20 de Londres sur l'économie, où l'accord sur l'environnement arraché sous présidence française en fin d'année dernière. Des mesures sécuritaires ont aussi été prises. Et la présidence Tchèque a brillé par son anonymat relevant lui aussi de facteurs européens (Sarkozy ayant "débordé" de son mandat en 2009) et de facteurs nationaux (démission du Premier ministre Topolanek).

Au niveau mondial, la crise économique a eu pour effet d'anesthésier les traditionnelles oppositions libéraux anglo-saxons/ dirigistes continentaux. L'Europe s'est massivement rangée sous l'étendard d'un interventionnisme modéré, privant les partis d'opposition de leur rhétorique habituelle. L'avènement d'Obama a également anesthésié le traditionnel débat sur le tropisme atlantiste de nombre de pays membres, et le ralliement de la France au commandement intégré de l'Otan, certes fort symbolique tant Paris avait déjà depuis longtemps arrêté de bouder, a fini par clore le chapitre d'une défense européenne perçue comme séparée, voire concurrente de la défense américaine. Le comportement de la Russie en Géorgie en août 2008 a renforcé par ailleurs le sentiment d'insécurité d'une Europe insuffisamment préparée face aux défis géopolitiques de notre siècle. J'évoque aussi la question turque dans une note du mois d'avril.

Au niveau national enfin, l'élection européenne ne suscite pas d'intérêt en Espagne, Italie, France, Pays-Bas, Suède, Belgique, Pologne, Roumanie, Bulgarie, Hongrie etcc tant la situation politique intérieure est apathique. Il y a le cas de figure de la majorité inébranlable (Italie), ou le cas de figure de l'absence de clivage européen (Espagne), ou encore l'approche d'élections nationales qui retardent le début des hostilités (Suède, Bulgarie).

Où sont donc les aspérités politiques sur lesquelles les électeurs vont pouvoir s'accrocher?
Il y a des phénomènes nationaux: la Suède observe avec curiosité une éventuelle percée du Parti des Pirates .
L'Allemagne attend d'évaluer la force de l'extrême-gauche, et s'apprête à constater le remplacement des Grüne par les libéraux du FDP comme troisième force (15-20% selon les sondages).
Le Danemark va baptiser son nouveau gouvernement, après le départ d'A.F.Rasmussen pour l'OTAN.
La Bulgarie va évaluer la force de la coalition de gauche ex-communiste favorite des sondages. Les républiques baltes redoutent leur première abstention massive, liée à la déception de la protection apportée par l'UE.
La France attend de savoir si la gauche socialiste est encore en vie.
La Belgique va faire semblant d'oublier sa grave crise identitaire.

Mais à dire vrai, il y a des politiques qui veulent jouer le jeu.
Les plus motivés sont les... eurosceptiques! Est ainsi née la première initiative politique pan-européenne: Libertas.
Comme son nom l'indique, cette formation qui pour la France a recruté le MPF de Villiers, milite pour une économie plutôt libérale dans son fonctionnement intérieur et protectionniste vis-à vis du reste du monde (retour à une stricte préférence communautaire), et pour une moindre prise des institutions européennes sur le quotidien des européens.
Au-delà de la caricature que certains en font (on a tôt fait de se moquer de leur volonté de se "libérer" du monde et de l'Europe) ce mouvement correspond assez bien au scénario d'une deuxième phase de la construction européenne que je vois ainsi: à la suite d'avancées spectaculaires dans l'intégration commune (Euro, politisation des institutions européennes, Schengen...), on passe les rênes aux sceptiques qui seront très vite séduits par le joujou européen. Par leur présence au plus au niveau européen, ils achèvent de donner une légitimité au Machin.

On peut faire la comparaison avec un système national: la véritable ratification de la Constitution d'un pays, c'est lorsque l'opposition accède pour la première fois au pouvoir. (Si possible accompagnée, pas qu'elle ne soit tentée de tout défaire, hein!)
La présidence tchèque de l'Union, vécue comme un traumatisme par bon nombre d'eurogroupies (c'est ainsi que je nomme les europhiles incapables d'apprécier les règles du jeu quand elles ne les servent plus) a bien au contraire donné à l'Union un autre visage qui n'est pas pour déplaire à l'Europe centrale et à cette Europe qui ne se reconnait pas dans l'axe exclusif franco-allemand.
Paradoxalement, l'accession au sommet des opposants permet l'identification à l'Europe de leurs partisans. J'appelle ça la légitimation paradoxale.

Une autre initiative est celle des Newropeans. Ils ressemblent assez aux mouvements anti-fédéralistes que l'on voit aux USA, notamment au Texas.

Pour conclure, il me semble que ce manque de relief donné à l'élection européenne est une chance. En effet, on a assez peu entendu les habituelles hystéries anti-Bruxelles. (hormis les très drôles parodies de Starwars proposées par Libertas!) Une lecture clarifiée du résultat des élections sera possible: à l'absence d'interférences nationales s'ajoute la clarification de l'échiquier politique national constatée en France (Mélenchon), Allemagne (Lafontaine) et Italie (Arcobaleno).
Et si même les eurosceptiques commencent à harmoniser leurs vues...

vendredi 1 mai 2009

Brèves du Jeudi


Climat/Suède:
le mois d'Avril est déjà assuré de battre tous les records de chaleur avec un écart à la moyenne 1960-1990 de 4 degrés pour la moitié Sud. Ce n'est pas pour déplaire aux suédois, plutôt heureux de connaître des journées à 20 degrés, et de pouvoir cette fin de semaine fêter Valborg au jardin!

Valborg: c'est une fête à l'origine lointaine. Comme souvent, on y trouve un fond païen: on y chasse les mauvais esprits de la nuit, dont les sorcières. Ainsi, dans les pays où l'on fête Valborg, les enfants se déguisent en sorcière et vous jouent des mauvais tours! On allume des feux, surtout en Suède, Finlande et Estonie. Cette tradition est également l'occasion de soirées arrosées en Allemagne, Lettonie et Tchéquie. Avant le Moyen-Age, elle était l'occasion d'un culte à la Lune.

Coupe du monde de hockey: cet évènement annuel se déroule actuellement en Suisse. Russie, Tchéquie, Finlande, Canada, USA et Suède en sont les favoris. La France y participe, mais son objectif est surtout de ne pas finir dernière et d'éviter la relégation.
A signaler la promotion de la Turquie (si si!) en deuxième division, et le retour de l'Italie en première. Le Royaume-Uni est lui toujours dans les basses divisions: quand on songe qu'au début du XXe siècle c'était le pays dominant dans ce sport, et sans profiter des joueurs à passeport canadien!

Football et Crise: les grands clubs anglais vont avoir du mal à payer leurs joueurs ces prochaines années. West Ham n'a même pas trouvé de sponsor, et de riches milliardaires islandais et russes se désengagent de leurs clubs. Le sport va-t-il retrouver sa tête? Pas sûr: les milliardaires arabes ne semblent pas renoncer à cette vitrine.

Grippe mexicaine/porcine/A-H1N1: la définition du terme "pandémie", c'est que la maladie s'est propagée hors de son territoire d'origine. A ne jamais le définir, les gens imaginent des scénarios catastrophe sur de fausses bases. On peut très bien avoir une pandémie avec 100 morts, ou une évolution locale avec des milliers de morts. Les rumeurs vont bon train: un laboratoire, une diversion des politiques à la crise... en tout cas, les porcs en sont les premières victimes. Par un réflexe moutonnier habituel, les gens ont arrêté de consommer du porc. L'OMS a quand même du préciser qu'il n'y avait pas eu le moindre cas décelé chez les cochons!
L'Egypte a même pris les devants: elle fait abattre son cheptel de porcs.
Il faut dire qu'ils n'en perdent pas une pour pénaliser la minorité copte (10-15% de la population). Les restrictions civiles, les églises incendiées et les ratonnades sont certes plus grave. Mais en s'attaquant à leurs moyens de subsistance, c'est le départ ou la conversion.

Equateur: le président Rafael Correa a été réélu. De tous les présidents de la "vage socialiste" d'Amérique Latine, c'est le plus réussi. Economiste de formation, il a su développer un secteur non-libéral sans sacrifier les emplois du secteur concurrenciel -à l'opposé des Misiones de Chavez-. Lui aussi attaché à la revalorisation sociale et symbolique des métis indiens, il a su faire accepter leur entrée progressive dans la société dominante sur la base exclusive du mérite. Morales et ses proches condambés pour corruption et trafic de drogue en Bolivie ont de quoi en prendre de la graine. Enfin, Correa n'a pas pris la moindre mesure contre la liberté d'expression, ce qui ne l'a pas empêché de se faire réélire à 52% des voix. Serré, certes. Mais une grande victoire de la démocratie, et une grande victoire pour les plus faibles qui ont su mettre leur destin dans des mains responsables.

Islande: victoire de la gauche aux élections. Il faut dire que le parti libéral n'avait aucune chance... Le pays a même connu une manifestation au début de l'année! Le nouveau premier ministre Jóhanna Sigurðardóttir doit composer avec ses alliés socialistes. Qui ne veulent pas de l'entrée dans l'UE. Alors que cela était le thème principal de la campagne. (Le thème de la moralisation de l'économie aussi, mais en Islande encore plus qu'en France il ne faut pas se faire d'illusions!)

Suède: nouvelle pas très fraîche, mais après l'Italie la Suède aussi va relancer la construction de centrales nucléaires, 20 ans après le référendum de sortie.

Russie: Dmitriy Medvedev a donné une entrevue au quotidien Novaïa Gazeta, d'opposition où travaillait Anna Politkovskaïa. Un des rares vrais journaliste de France, Fabrice Nodé-Langlois revient par ailleurs d'un voyage en profondeur en Tchétchénie. Si les habitants sont globalement satisfaits du retour au calme, symbolisé par la levée de l'Etat d'urgence la semaine dernière, les bases pour de futurs conflits sont toujours présents: des russes, des tchétchènes russophiles, des tchétchènes islamophiles, et des réseaux de combattants liés à l'Arabie Saoudite. Le site internet de l'émirat islamique au Caucase en donne un bref aperçu.

Géorgie: la tension monte. Ce sera l'objet d'une prochaine note de ma part. La Russie vient par des accords avec les républiques d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie d'officialiser son annexion graduée.

Turquie: une fusillade à Istanbul, 7 soldats morts au Kurdistan. Cela se passe chaque mois, il est important de s'en rendre compte pour comprendre l'agenda d'Ankara. Qui soit dit en passant a une nouvelle fois bombardé le Nord de l'Irak.

Rome/Paris: le maire de Paris Delanoë ridiculisé par l'ancien leader de la gauche et ancien maire de Rome Walter Veltroni. Delanoë avait en effet estimé que la collaboration de sa ville avec celle du romain Alemanno allait souffrir des penchants fascistes de celui-ci. Veltroni est intervenu pour dire au maire de Paris qu'il avait de bien mauvaises informations.
De fait, il y a eu le jour de son élection des bras tendus. Mais il n'y a eu aucune approbation de la part de la nouvelle équipe municipale. Et la confluence de Alleanza Nazionale (parti post-fasciste, ex-MSI) dans le PDL de Berlusconi laisse au mouvement dissident La Destra le monopole des nostalgiques.

Espagne: nouvelle pas fraîche non plus. Mais je viens d'apprendre que sous la gestion socialiste un mémorial aux républicains combattants de la guerre civile a été ouvert. Mémorial à sens unique, où les massacres de civils, de prêtres, de bonnes soeurs sont tout bonnement ignorés.
La réconciliation sous la surveillance de Juan Carlos passait justement par la reconnaissance institutionnelle de la primauté de la démocratie, de pair avec une mémoire partagée de la barbarie partagée. Cette histoire nationale revisitée est une honte. Au XXIème siècle on devrait être capables de comprendre et faire comprendre que la barbarie n'est pas l'apanage des seuls perdants. La droit souvent accusée de vouloir faire l'histoire n'a jamais osé remettre en cause le compromis historique. La gauche sûre de sa supériorité morale l'a fait.

France: rien. En fait, si, beaucoup de choses. Le sport national du "je dénonce, mais jamais les bonnes personnes ou les bons mécanismes" persiste.
Un exemple "léger": Daniel Bouton de la Société Générale s'en va sous les huées politiques et populaires.
Faut-il quand même rappeler que c'est lui qui en 11 ans a fait de son groupe franchouillard un des géants mondiaux, qui contrairement à ses homologues américains peut se permettre un trou de 5 milliards? Je laisse de côté les critiques qui relèvent de la critique générale du capitalisme. Dans l'intérêt de sa banque, Daniel Bouton a été un bon manager. Il a su faire son métier, contrairement à d'autres qui restent 6 mois en poste, le temps de couler la boîte et d'empocher parachutes dorés et stocks-options.
Les critiques de type anti-ultralibérales sont pour moi justifiées. Mais elles ne doivent pas se focaliser sur Daniel Bouton. Une banque, c'est un CA et des actionnaires. Daniel Bouton a profité d'un système tout en faisant son métier honorablement. Faut-il aussi rappeler que la Société Générale est la plus grande créatrice d'emplois depuis cinq ans en France ?

J'aime la révolte, la critique dure, la contestation. Mais je préfère l'ordre injuste à la révolte, la critique dure, la contestation quand celles-ci ciblent les mauvais coupables. Car on ajoute l'injustice à l'injustice. Et en plus, par sa bêtise, on redore le blason de l'injustice initiale.
Avis à tous les rebelles: c'est souvent vous qui permettez aux injustices de perdurer.