mardi 28 avril 2009

Petit exemple de désinformation involontaire




Le monde de l'Internet est le lieu des conspirations, des manipulateurs, des vendeurs d'illusions.
Il est aussi évidemment le lieu d'où la vérité émane, parfois.
On a eu l'occasion de le remarquer plus d'une fois.

Mais je ne vais pas dresser ici une liste des pro et des contra.
Le cas précis retient mon attention car c'est le plus fréquent que j'observe sur la Toile.
Je ne veux pas faire d'angélisme, mais le plus souvent les désinformations sont à mettre sur le compte de maladresses ou de préparation insuffisante des acteurs médiatiques.

Le cas précis: un des multiples blogs liés au Monde.
Le Monde.fr publie dans sa page d'accueil les articles écrits par ses meilleurs bloggeurs, le plus souvent ses propres journalistes "externalisés".
Le blog de Georges Moréas et son article "Des Policières voilées" me sert d'exemple.
Je précise tout de suite que je n'ai rien contre l'auteur, dont j'ignore presque tout.
Et peu importe, car son exemple sert la règle générale.

Le sujet de l'article: le débat sur les signes religieux dans les forces de police, avec exemples tirés d'Angleterre, Norvège, Etats-Unis et France.
Les deux premiers étant présentés comme autorisant le port du voile, les deux derniers opposés.
Et se demandant si la France allait connaître un débat sur le sujet.

Tout parait bien ficelé pour lancer une discussion sérieuse sur le sujet, avec des commentaires de qualité variable, mais c'est là la vertu d'Internet: la parole à tout le monde.
Sauf que...

Sauf que la Norvège n'a pas autorisé le port du voile dans ses rangs de policières.
Détail anodin?
Souvenons-nous de Bolkestein, du Plombier Polonais, de la Piscine du Parlement de Bruxelles et autres mésinformations de masse. A chaque élection, le citoyen est inondé d'informations, et de manière très darwinienne il est toujours prêt à croire le pire.

D'où vient l'erreur?
Georges Moréas n'en est pas responsable. Ainsi, comme tout le monde, il a lu la dépêche AFP annonçant la mesure norvégienne .
Sauf qu'entre-temps, cette affaire a embrasé tout le royaume nordique, et le 20 février la mesure était retirée, et le ministre de l'Intérieur K.Storberget étend l'interdiction aux employés des douanes.
Mais là, aucune dépêche AFP pour en parler, et en anglais seule Associated Press la reprend.
Nos médias francophones n'ont évidemment pas été voir cela, habitués qu'ils sont à dépendre de la seule AFP.
-je ne dispose pas de version originale de l'AP, mais elle est reprise par des sites d'extrême-droite ou des sites musulmans en termes similaires-
Il faut alors aller chercher sur des sites norvégiens les détails de l'affaire. Heureusement je parle suédois, j'ai donc pu me faire une idée précise du déroulement des évènements.

J'ai donc contacté l'hôte de ce blog.
Une première fois avec un lien en norvégien de la télévision publique.
Une deuxième fois avec un lien en anglais de la télévision al-Arabiyah.
Une troisième fois avec un lien en anglais d'un journal norvégien.

Ce à quoi il répond qu"il n'en est rien à sa connaissance".

Alors j'ai pris la peine de traduire l'essentiel de la chronologie telle que proposée par le quotidien Aftenposten :
Automne: Keltoum Missoum écrit à Aftenposten pour revendiquer le droit de devenir policière sans renoncer à son voile.
http://aftenbladet.no/multimedia/archive/00267/0082_001_267694a.pdf

29 janvier 2009: le gouvernement accepte le principe des signes religieux dans les forces de police.C’est ce que révèle un document interne au gouvernement qui a fuité en mars:
http://www.aftenposten.no/nyheter/iriks/article2958802.ece
Document d’importance, car il contredit la version de Storberget du 20 février (voir plus bas)

4 février: sur le site internet du ministère de la justice est annoncée la mesure.
http://www.aftenposten.no/meninger/leder/article2911655.ece

10 février: Storberget demande à ce qu’il y ait un nouveau débat.
http://www.aftenposten.no/nyheter/iriks/article2919023.ece

11 février: les femmes policières, des associations pour l’égalité hommes-femmes, la droite et la droite dure font part de leur opposition.
http://www.aftenposten.no/nyheter/iriks/article2920770.ece
http://www.aftenposten.no/nyheter/iriks/article2921002.ece
http://www.aftenposten.no/nyheter/iriks/article2920855.ece
http://wwww.aftenposten.no/nyheter/iriks/article2921230.ece

Storberget annonce avoir seul, sans pressions, pris la décision de réouvrir le débat.
http://www.aftenposten.no/nyheter/iriks/article2920844.ece

12 février: la droite dure du Frp annonce une proposition de loi pour interdire le port du voile.
http://www.aftenposten.no/nyheter/iriks/article2923022.ece
la débat fait rage au sein des travaillistes:
http://www.aftenposten.no/nyheter/iriks/politikk/article2921563.ece

18 février: la télévision publique NRK révèle que Storberget n’a pas été consulté sur l’opportunité de la circulaire.
http://www.aftenposten.no/nyheter/iriks/politikk/article2935118.ece
La décision aurait été prise par le secrétaire d’Etat Astrid Haas-Hansen et la conseillère du ministre Hadia Tajik.

19 février: Storberget interrompt ses vacances.
http://www.nrk.no/nyheter/1.6489134

20 février: conférence de presse de Storberget, la circulaire est retirée.
http://www.aftenposten.no/nyheter/iriks/article2937097.ece

24 février: l’Assemblée Nationale (Storting) ouvre une enquête.
http://www.aftenposten.no/nyheter/iriks/politikk/article2944865.ece

25 février: Storberget est hospitalisé
http://www.aftenposten.no/nyheter/iriks/politikk/article2948943.ece

4 mars: une fuite interne dément les propos de Storberget
http://www.vg.no/nyheter/innenriks/artikkel.php?artid=548430

Aujourd'hui, sa note toujours inchangée est encore consultée par les lecteurs du Monde et autres intéressés. Et l'auteur, involontairement mais avec un gros zeste de mauvaise foi contribue à semer un peu d'ignorance sur la Toile.
Il est impossible d'éliminer ces dérives. Néanmoins, il est regrettable de constater que très rarement les acteurs médiatiques, petits ou grands, sont prêts à l'autocritique dès que l'on pointe le doigt sur leurs erreurs. On se rappelle aussi de la bourde de France2 qui en pleine guerre de Gaza en Janvier a diffusé des images refilées par la propagande palestinienne. Pas que cela remette en cause la réalité du désastre sur le terrain. Mais cela mine sérieusement la crédibilité de nos médias.

On disserte longuement sur la crise de la presse, et plus largement des médias d'information traditionnels. Quotidiens gratuits, blogs, contrôle par des magnats de la finance ou de l'industrie sont fréquemment évoqués; et maintenant la crise économique avec la chute des recettes publicitaires vient aiguiser le problème.

Pour ma part, tout simplement, je constate comme nombre d'internautes qu'en-dehors de tous ces facteurs exogènes, il y en a un bien réel, crucial même, qui n'est jamais évoqué: l'absence de rigueur. Car si dans les affaires très médiatisées la moindre erreur est mise sur le compte d'une volonté machiavélique, constater que les erreurs sont la règle quelle que soit l'intensité médiatique de l'information traitée relativise très largement cette vision des choses.

Et si les médias souffraient avant tout d'un manque de qualité?

En attendant, je vous invite à ne pas laisser passer ce que vous savez être faux.



lundi 20 avril 2009

Pour sourire


Pêché sur "La Nacion" qui pourtant n'est pas spécialement contre C.Kirchner

Brèves du lundi

La semaine passée a été assez tranquille.
Même la crise économique n'a pas été au centre des actualités !

Je relève ici quelques brèves:

Amérique Latine
Le sommet panaméricain de Trinidad a consacré la volonté de retour des USA dans leur ancienne chasse gardée. On remarquera que sous Bush fils le continent a connu très peu de pressions de Washington. Morales en Bolivie, Correa en Equateur, Kirchner en Argentine, Chavez au Vénézuela et Ortega au Nicaragua: autant d'exemples de l'abandon d'une gestion aggressive et discrétionnaire.
Paradoxalement, le retour d'Obama armé de bonnes intentions est le prélude à un retour des USA dans la politique intérieure des pays d'Amérique Latine.



Afrique
Retour aux anciens démons ?
Une tentative de coup d'Etat a été déjouée au Togo.
Ceci survient un mois après le renversement du pouvoir par Ravalomana à Madagascar, où la presse y a vu la patte de la France.

Néanmoins, Mme Clinton félicite le Zimbabwé pour sa lente et délicate sortie de crise.
Mugabe aurait-il enfin pris la mesure de la catastrophe alimentaire, sanitaire et sociale où il a plongé son pays ? La disparition coup sur coup de la fille et de l'épouse de son principal opposant Tsvangirai laisse quand même craindre de bien sombres agissements.
En Mauritanie l'armée passe lentement le témoin: un retour à plus de pluralisme est prévu pour la fin de l'année.

Afrique du Sud
Elections cette semaine.
Le Democratic Alliance(DA) d'Helen Zille défie la toute-puissance de l'ANC de Zuma.
La campagne s'est radicalisée au fur et à mesure.
L'abandon des poursuites judiciaires contre J.Zuma a relevé de la parodie de justice: en effet le DA a montré que les attendus du jugement sont purement et simplement copiés d'une procédure similaire qui a eu lieu à Hong Kong il y a quelques années.
La Cour a de la sorte perdu sa crédibilité. Or la justice est l'institution la plus appréciée des sud-africains, par delà les origines ethniques.
L'ANC a in fine reçu le soutien de Mandela, courtisé par le COPE, scission interne des "libéraux" opposés au populisme ethno-marxiste de Zuma.
Le COPE qui initialement espérait passer la barre des 10% a finalement montré la faiblesse de son assise dans la société. Les noirs votent encore largement selon un réflexe clientéliste entretenu par les puissantes jeunesses de l'ANC.
Ainsi, si le DA espère obtenir la gestion de la province du Cap-Occidental, c'est grâce à l'électorat Coloured, pauvre mais culturellement proche des afrikaners.
Si l'élection de Zuma ne fait pas de doute (60% selon les sondages), l'Afrique du Sud va connaitre après 2010 (mondial de foot oblige) son premier vrai test. Les institutions léguées par Mandela et De Klerk vont-elles survivre à un populisme volontiers homophobe, raciste, anti-judiciaire et flattant les pauvres contre les riches ?

J'invite à consulter allafrica.com ou .fr: nul besoin de la presse occidentale, la presse africaine est très largement compétente pour analyser la situation.

Cambodge/Thailande
Je ne parlerai pas du sommet de l'Asean qui avait des airs de sommet de l'Otan, mais des accrochages qui se multiplient à la frontière de ces deux pays.
Le 11 il y a eu 2 morts et 10 blessés du côté thailandais.
Pour des histoires de temples, de terres volées, -au début du XXe siècle pour contrer l'avancée française en Indochine l'UK a aidé la Thailande à s'établir dans une région peuplée de cambodgiens-mais surtout de crise économique grave, la stabilité de la région est gravement menacée.
D'autant que la Chine est intervenue comme médiateur. Désormais cette région se structure plus en fonction du rapport à Pékin que du rapport à Washington.

Corée du Nord
Le maigre succès de Bush fils est remis en cause. Les inspecteurs de l'AIEA sont de nouveau chassés, et il n'est pas sûr que le lancement de missile raté dissuade Pyong Yang de poursuivre ses recherches balistiques. Le "Roi" Kim s'est finalement montré aux médias. Malade, il s'est fait réélire par le conseil du parti.
Les doutes sur le rôle de la Russie dans l'axe Téhéran-Pyong Yang refont surface.

Inde
La démocratie la plus peuplée du monde va aux urnes, pendant un mois.
La campagne ici comme ailleurs sur la planète a été largement l'occasion de débats identitaires.
Musulmans, chrétiens, laïcité: l'argument religieux a été largement employé. Et ce n'est pas l'exclusion d'un neveu d'Indira Gandhi du BJP pour campagne injurieuse à l'encontre des musulmans qui a apaisé la situation.
Au premier jour de vote, on dénombre déjà 10 morts.

Afghanistan
Beaucoup d'émoi suite à la décision du gouvernement d'accéder à la requête des religieux chiites d'instaurer la Sharia dans les affaires familiales de leur communauté.
Ceci implique par exemple la légalisation du viol conjugal, mais aussi l'autorité du tuteur mâle qui décide du travail et de l'instruction des femmes.
Aux dernières nouvelles, Karzai temporise. Mais son mandat arrive à son terme, et l'Afghanistan est désormais sur la voie de l'éclatement complet. Les gouverneurs qui sont tous autant d'ancien chefs de guerre recyclés ont désormais acquis une autorité locale -et la mainmise sur l'économie- leur permettant de se passer de Kaboul.
L'Afghanistan est avec une ironie féroce un échec plus grand que l'Irak !

Algérie
Au salon du livre un journaliste du Monde relève que la presse islamique(iste?) est hors de toute réalité économique. Le prix moyen d'un livre de poche est de 10 euros, alors que des ouvrages vantant le mode de vie wahabite se vendent à 1 euro.
J'apprends aussi que depuis 2006 l'étude de la Sharia est obligatoire à l'école.
L'Algérie sombre avec Bouteflika. Et tout le monde la laisse sombrer. Les algériens eux-même qui ont accepté la farce d'élection.

Turquie
Deux semaines après un sommet de l'Otan où l'attitude d'Ankara a ébranlé le soutien affiché par Bernard Kouchner. ("J'aime plus la Turquie laïque, de l'égalité hommes-femmes": bienvenue parmi ceux qui ouvrent les yeux, monsieur le ministre. Pourtant, les dépêches des diplomates en poste ne cessent de s'alarmer de l'évolution actuelle.)
Un écrivain franco-turc est poursuivi pour "offense à la croyance majoritaire du pays" et donc "atteinte à la stabilité sociale". Les extraits incriminés que le Figaro retranscrit ne font pas de lui un Salman Rushdie. Tel n'est d'ailleurs pas le but de l'auteur. Parler de la vie de Mahomet sous la forme du roman n'a rien de révolutionnaire. En tout cas de ce côté-ci du Bosphore.

Géorgie
En suivant l'actualité des manifestations organisées par l'opposition -qui sont un demi-échec-, j'ai découvert un blog actualisé presque au quotidien par une chercheuse française.
Pavel Felgenhauer révèle aussi que de nouvelles manoeuvres de large envergure vont être menées par Moscou à la fin du printemps.
Saakachvili ne doit pas réitérer sa grave erreur, et garder son sang-froid.
D'autant qu'à Prague Obama s'est inscrit dans la continuité de Bush.

Russie
Dans un entretien accordé à la Novaïa Gazeta (quotidien d'opposition) le président Medvedev promet que les russes auront et le saucission, et la liberté.
Manoeuvre tactique ? Ouverture politique ?
Le chemin personnel de Medvedev fait pencher pour la seconde possibilité; son action (ou celle de Poutine ?) pour la première.
Si l'on se limite à l'observation des rapports de force, Medvedev apparait de plus en plus comme un concurrent de Poutine.
Il est quand même assez cocasse de relever que le président se renforce pour devenir...le président !

Kosovo
Après Carla del Ponte, c'est au tour de la BBC de révéler le caractère mafieux de l'actuel gouvernement kosovar guidé par H.Thaci. On a remplacé le loup blessé serbe par le chacal albanais. Trafic d'organes et de prostituées, ça fait une belle épopée nationale à raconter aux générations futures.



samedi 11 avril 2009

Commentaire à M.Rioufol sur la Turquie.

Bloc-Notes d'Ivan Rioufol du Figaro : "Le Couac dans la marche turque vers l'Europe"

Et mon commentaire :

Bonsoir M.Rioufol,

Permettez-moi quelques commentaires directement sur votre note du jour.

A-Sur le titre choisi : pour être pointilleux, je relève quand même qu'il s'agit d'un couac non pas dans la marche à l'Europe comme ensemble UE, mais dans l'alliance atlantique où l'Europe n'est pas la composante dominante.

Il n'en reste pas moins que si l'intrigue se déroule sur les tapis verts de l'OTAN, ses implications politiques se jouent bien sûr au casino européen dont on se demande qui est le croupier. Barroso n'a-t-il pas emboité le pas à Obama, contre Merkel et Sarkozy ?

En défendant un intérêt de type religieux, même si il était sous l'angle politique -ne pas présenter l'Otan comme un instrument anti-musulman- et non théologique, la Turquie a rappelé qui elle était.

B1-Je vais me faire l'avocat du diable, et jusqu'à un certain point partager le point de vue de certains bogomiles du Moyen-Ages qui voyaient en Satan le révélateur -au sens chimique- du message divin.
La polémique suscitée par Erdogan ne répond-elle pas aussi à l'intérêt direct de l'Otan ?
En Afghanistan notamment nous avons un besoin crucial de la présence turque, soit comme garantie d'ouverture, soit comme intermédiaire d'avec le monde iranien et touranien, voire plus largement islamique certes peu amoureux des turcs mais toutefois très intéressé par l'expérience AKP.
Dans l'optique d'un retrait peu honorable, la Turquie nous aidera pour sûr à quitter la région en nouant quelques liens pour éviter qu'à la honte s'ajoute le désastre.

B2-Aussi, la Turquie par la mini-crise suscitée et par sa résolution a contribué à blanchir un peu l'Otan de soupçons de type huntingtoniens. Je ne crois pas que cela parle à ceux qui ne veulent pas entendre, et la perception en restera inchangée de la part des anti-Occident. Mais essayer de gagner un peu de crédibilité et de répit pour mieux baliser la sortie d'Afghanistan est plutôt une bonne chose.

C1-J'admire sincèrement le sens politique d'Erdogan, en contraste nos chers gouvernants font bien pâle figure.
En effet, il a su jouer des atouts de son pays, et en tirer 3 bénéfices :
-à usage interne, la crise frappe de plein fouet la Turquie (le FMI se penche à son chevet, et sa dette est hors de contrôle). Une dose de politique à l'ottomane ne peut ps nuire à l'opinion publique !
-à usage atlantiste, Gaza, Iran, Afghanistan, Syrie, on a même entraperçu le Grand Turc lors de la crise géorgienne: vu de Washington, Ankara fait preuve d'une conscience stratégique qui n'a pas d'égal en Europe.
-à usage islamique, Erdogan a multiplié les efforts pour faire de la Turquie un phare pour l'Islam moderne. Il placé ses hommes à l'OCI (le SGénéral est un des ses fidèles), au CDHomme de Genève la Turquie joue le porte-parole modéré des pays musulmans (ce qui tranche avec le Pakistan héraut de l'OCI).Contraignant Rasmussen à un geste sans que celui-ci renie sa position, il montre au monde musulman que lui obtient par la diplomatie ce que les autres n'obtiennent pas par le jusqu'au boutisme ou la violence.

C2- évidemment, les deux derniers points et surtout le dernier sont très gênants en optique "européenne". Si nos gouvernements veulent bien jouer de la carte turque comme caution de tolérance à l'Islam, avoir une Turquie qui ne serait plus une simple caution passive mais un porte-parole dans les bureaux bruxellois et dans l'hémicycle des préoccupations musulmanes, ce n'est plus la même chose.
De plus, une relève européano-conciliante à Erdogan ne s'entrevoit pas en Turquie. L'hypothèse "idéale" Kemal Dervis ne semble pas d'actualité.

-Kemal Dervis est l'artisan des réformes économiques entamées avant l'arrivée de l'AKP, laïc et social-démocrate-

C3-Erdogan a désormais "islamisé" l'image de la Turquie dans le monde, non seulement en Europe mais dans le monde islamique aussi, ce qui est un tour de force.
En Turquie même le port du voile est sur des niveaux historiquement faibles. Mais le traditionnel foulard des travailleuses agricole est désormais remplacé par le très urbain et arabisant voile intégral, et la tendance générale s'inverse.
Si aux dernières municipales l'AKP a perdu du terrain, c'est surtout au profit du Saadet Partisi (islamiste) et de l'ancien parti kémaliste qui s'est raidi sur des positions nationalistes (refus du dialogue sur le génocide arménien).
C'est que les réformes "islamiques" ont été bloquées par la Cour Suprême (ou sous la pression européenne, comme la criminalisation de l'adultère), l'AKP se concentrant sur la substitution des élites économiques kémalistes par des élites "islamiques" -flagrant dans le bâtiment, où Bouygues participe activement-.

C4-dans de telles conditions, Erdogan a renforcé le pouvoir de nuisance de la Turquie, et donc sa puissance. En effet, aujourd'hui plus que jamais le rejet de la Turquie serait interprété comme un non à l'Islam. Nous sommes sacrément coincés !

D1-attendre un changement de gouvernement en Turquie, et geler le processus d'adhésion ?
Sarkozy a bloqué deux chapitres (sur 35) en juin 2007, ce qui prouve qu'il n'est pas aussi double que ce que certains pensent ici, même si sa position semble fragile, et à l'heure actuelle seuls 10 chapitres sont ouverts (1 achevé). D'un point de vue technocratique, on peut faire durer encore longtemps le processus.( 15-20 ans)
C'est l'attitude qui consiste à renvoyer au lendemain... et force est de constater que par manque de courage c'est souvent le chemin privilégié par les gouvernements européens.

D2-continuer de donner des gages de non-amour à la Turquie tout en affirmant vouloir les intégrer ? C'est sûrement le meilleur moyen pour voir ce pays s'irriter de plus en plus tout en ne rassurant pas nos opinions politiques, et avec le risque en outre de voir l'adhésion se concrétiser dans un climat délétère !

D3-proposer le partenariat privilégié encore et encore ? Tout d'abord, la Turquie est déjà un partenaire privilégié. Depuis 1995 le marché turc est ouvert aux investissements et produits européens, et inversement. Les flux de personnes en provenance de l'UE sont aussi largement simplifiés. Et la Turquie bénéficie du programme de voisinage de l'UE, avec milliards à la clé.
personne n'est dupe qu'il s'agit de gagner du temps, espérant qu'Ankara claque la porte la première.
Espérer ainsi éviter de passer comme anti-Islam ? Qui le croirait ?

D4-une approche complètement délaissée serait de remettre Chypre au centre des négociations.
Sur le plan juridique, il est complètement ahurissant que l'on engage des négociations avec un pays qui ne reconnait pas un des membres de l'Union. L'Union est la somme d'Etats égaux en droit, ne pas reconnaitre un des 27 c'est ne pas reconnaitre l'Union qui est la totalité de ces 27, et non pas ces 27-1.
Certes, l'Union Européenne espère en étant conciliante mener d'un même élan l'adhésion turque et la résolution du problème chypriote.
Mais ça, c'est miser sur le cheval Erdogan.

Imaginons un instant que l'on cesse de miser sur ce cheval, réaffirmant la priorité de la question chypriote qui je le répète est juridiquement et moralement entièrement légitime, que se passe-t-il ?
Erdogan ne peut plus jouer de la corde religieuse, mais doit au contraire se prononcer sur l'équation droit international+nationalisme=Europe.
L'AKP soulèverait les foudres des nationalistes encore plus que lors de l'affaire du voile -affaire qui a montré l'islamisation du parti nationaliste de droite, peu critique-. Et l'AKP ne pourrait plus se prévaloir du soutien européen pour limiter l'influence des nationalistes, comme lors de l'été 2008 où ces derniers ont adressé un simple avertissement à cause des pressions européennes.
"Delenda est Erdogan!" me semble la priorité désormais. Et Chypre nous fournit un moyen sans contestes juste, et qui a l'avantage de ne pas se placer sous la menace morale de l'Islam.

D5-d'autres scénarios peuvent être envisagés. Mais qu'ils soient ceux de la rupture -irréaliste-, ou ceux liés à des évènements mondiaux imprévus -par nature imprévisibles!-, il ne convient pas de s'y attarder même si il faut être prêts à les intégrer le cas échéant.

***

Je reviens sur le commentaire direct du bloc-notes, car je constate m'en être un peu éloigné !

Les élections européennes approchent. Si la crise sera au menu des débats, la question turque pourrait aussi revenir.

1A-rappeler les propos d'Erdogan en Allemagne, niant aux turcs qui le souhaitent le droit de devenir allemands, irlandais hongrois ou maltais : n'en déplaise à certains, au-delà des discours de matrice chauviniste de chez nous, il s'agit d'un déni de liberté individuelle, ce qui EST UNE COMPOSANTE ESSENTIELLE DE L'IDENTITE EUROPEENNE !

1B-souligner la prise de conscience de certains décideurs français et au-delà, cela montre bien la naiveté de ceux qui tiennent le gouvernail du frêle esquif Europe.
J'ai toujours été de ceux favorables à une entrée de la Turquie dans l'Europe.
Mais à deux conditions intraitables:-l'Europe doit être européenne.
-et la Turquie doit accepter d'être auscultée au regard et lois européennes. Elle doit faire sa profession de foi européenne.
Par exemple, serait-il si absurde de poser aux turcs, par référendum, la question de savoir si ils se sentent européens et DONC qu'ils désirent intégrer l'UE ?

En Géorgie, les taux d'adhésion à l'identité européenne sont invariablement au-dessus de 90%, ce qui correspond aux géorgiens de culture chrétienne grosso modo. (le lien est fait par S.Serrano du CNRS) En Turquie on sait que ce taux est beaucoup plus bas.
Ce serait une première bien dangereuse que d'intégrer un pays dont une grande partie ressent plus d'affinités envers le Mont Kaf des légendes, la Tabriz des récits turco-persans ou la Syrie !
Sans même rentrer dans les détails de l'identité européenne, une grosse partie des turcs la refuse !
La mariée n'est pas très sûre de ses sentiments, c'est le moins que l'on puisse dire.

2- vous liez : "la Turquie, qui a obtenu la suppression de la référence aux racines chrétiennes de l'Europe" à "La coexistence entre l'islam et la laïcité occidentale". En toute logique, demander le retrait de cette référence et demander une position islamo-compatible au SG de l'Otan aurait pu venir de n'importe quel leader européen. Chirac par exemple !
Mais il y a avec Erdogan un faisceau d'indices qui ne laissent de place au doute qu'aux aveugles.

3-"L'Europe n'a pas vocation à devenir le terrain d'expérimentation d'une diversité vue comme une politesse que devraient les États-Unis au monde islamique"

Phrase qui pourrait passer à la postérité.
Et le développement qui s'ensuit montre bien -on pourrait y ajouter l'effort supplémentaire demandé en Afghanistan- que l'agenda d'Obama n'est en rien celui de l'Europe.

C'est bien pour cela que j'étais aussi favorable à son élection: il contraint l'Europe à développer son propre agenda. Si cela advient, il nous aura rendu une grande faveur.

4-une campagne électorale molle de la part de l'UMP serait réitérer l'erreur de J.Chirac avec le TCE de 2005.
Si les thèmes qui fâchent arrivent tardivement, l'UMP n'aura pas le temps de contrecarrer le flot d'arguments plus ou moins justifiés qui bénéficieront en dernière ligne droite des temps de parole comptabilisés. Une campagne électorale précoce jouant sur l'anticipation des thèmes est elle favorable au parti au pouvoir qui a le temps de déminer et de riposter. Par ailleurs, je salue la décision du Conseil d'Etat sur initiative de F.Hollande d'intégrer le temps de parole présidentiel dans le décompte de la majorité. Cela met fin à la fiction du Président-arbitre.

5-je n'ai pas suivi les développements médiatiques de la vidéo -préférant me concentrer sur des médias moins subordonnés à l'immédiat-. Je ne sais donc pas en quelle mesure elle peut influer sur l'opinion publique. J'ai bien peur qu'elle ne soit pas assez significative. Au contraire du meurtre sauvage de Sébastien Guéry en 2003, victime de la haine d'un de ses amis d'enfance. La justice n'a pas retenu le caractère antisémite de ce meurtre, malgré les témoignages nombreux et concordants unanimes à rappeler les mots d'usage des islamistes dans la bouche du meurtrier.
Au prétexte qu'il s'agissait plus de "jalousie" et de "fragilité mentale".

***

Merci, et bonnes Pâques !

jeudi 9 avril 2009

Nous sommes libres mais la vérité est dite sous régimes autoritaires

Deux auteurs moyen-orientaux critiquent le fondamentalisme qui s'empare des musulmans européens : ici

Quand à le dire c'est des européens au pédigrée affirmé -le pédigrée des européens rentre particulièrement en ligne de compte lorsqu'on veut faire taire- on se moque d'eux. (Blocher, Villiers, Fortuyn, Jensen)
Mais que dire lorsque c'est un Mohamed Sifaoui ?
L'accuser de liens avec l'extrême-droite ne marche pas, alors on le discrédite autrement.
Pas un vrai journaliste. Un passé trouble en algérie. Un espion des juifs -thèse préférée des islamistes qui en parlent-.

Et là ? Quand c'est des arabes DOCG Label Arabie véritable ?
Ne pas les écouter car ils vivent dans des pays où la liberté se paye de sa personne ?

Non seulement nous avons à apprendre le courage de ces libéraux en terre hostile, surtout nos "rebelles".
Simon Leys sur Sartre :
"Il n'y a pas de position plus amusante, plus séduisante, plus originale - et finalement mieux récompensée- que celle de dissident dans une société tolérante, stable et prospère"
Qui plus est, nous devons réapprendre à voir grâce à ce regard étranger qui a tant fait de bien à l'Europe par le passé !

A ce constat cinglant que nous proposent
le chroniqueur koweitien et l'imam chiite, je voudrais ajouter quelques remarques "d'ici".
En effet il ne faut pas passer sous silence la complaisance avec laquelle l'Europe traite les fondamentalistes.
Sur le droit chemin de la France qui protégeait Khomeini, aujourd'hui encore aux côtés de politiques d'intégration pitoyables nous donnons en revanche des gages aux fondamentalistes.
Horaires de piscine, suppression de menus "chrétiens" à la cantine, tolérance envers des imams étrangers, reconnaissance de spécificités religieuses devant les tribunaux... (à voir le documentaire d'Arte )

Je serais machiavélique, je dirais que l'on fait tout pour empêcher la rencontre entre Europe et Orient. Décourager les "modérés" et encourager les fondamentalistes : nous sommes bel et bien dans la "République des faux gentils"

En appendice, une caricature arabe sur la guerre de Gaza :





mardi 7 avril 2009

Photos du mois de janvier



Un hiver rigoureux ?

C'est ce que l'on a entendu, de la bouche des gens comme de médias grand public.
Qu'en est-il vraiment ?

Tout d'abord, en consultant Météofrance :

-au plan national (métropolitain) : -1.2 degrés C
c'est le troisième hiver le plus froid en vingt ans.

Mais si l'on regarde (ci-dessus) la tendance sur le XXeme siècle, on remarque que c'est un hiver fort anodin. C'est l'absence d'hivers froids depuis vingt ans qui en relief le fait apparaitre comme exceptionnel.

Sur 50 ans, on constate qu'il a été dépassé 11 fois ! C'est un hiver dont le temps de retour est de moins de cinq ans. A l'inverse, on constate que sur les 50 dernières années 11 des 50 hivers les plus chauds ont eu lieu depuis 20 ans.

Cet hiver 2008-2009 ne se caractérise donc pas par ses propriétés climatiques, mais bien par la rupture de tendance qu'il représente.

Et encore : on a visiblement déjà oublié l'hiver 2005-2006, plus froid que celui que nous venons de vivre.
Il n'y a pas eu de record de froid significatif.
En revanche, et les gens l'ont assez peu remarqué, nous avons connu, surtout en janvier, des records d'ensoleillement !
Ainsi, à Strasbourg il y a eu 20% de soleil de plus qu'à l'accoutumée sur l'hiver, et dépassant en Janvier de 30% le précédent record de 2001 !

Pour la France, il s'agit donc bien d'un hiver simplement... banal !
Ce sont les hivers précédents qui étaient extra-ordinaires, mais personne le semblait vraiment le relever.
Au niveau mondial, soit les relevés au sol soit les relevés par satellite n'ont pas révélé d'inversion de tendance particulière, la planète restant en surchauffe de +0.25/+0.45 C, avec l'absence d'hiver qu'a connu la Chine (+4/+6).








lundi 6 avril 2009

La guerre des résolutions au CDH



Episode 10

-il y a autant d'épisodes qu'il y a eu de sessions-

La résolution :"ce sont les individus qui ont des droits, non pas les communautés religieuses"

vs


la résolution :"La diffamation des religions entraîne la violence et restreint la liberté de religion. Si l'islam est la première cible, aucune foi n'est à l'abri de cette tendance à la diffamation."

Noter le vote par pays ... Huntington ?
A chaque session -ordinaire comme extraordinaire- c'est la même chose.

Et quand les pays islamo-autoritaires-tiermondistes s'en prennent à l'Occident , celui-ci -qui se défend d'agir en tant que tel- répond par "et les droits des femmes ?"

C'est toujours les mêmes clivages, avec la Turquie et la Malaisie dans le rôle des plus modérés; la Russie dans le rôle de "l'agent double"; Cuba pour la palme de la mauvaise foi; Canada, Pays-Bas et Italie dans le rôle des "méchants occidentaux".

A noter aussi la position de l'Inde, qui tout comme le Japon vient compléter le "camp occidental"

On peut voir le verre à moitié plein, et estimer qu'il est fort heureux que nous disposions d'un cadre de confrontation pacifique.
A moitié vide, et constater la pertinence du concept de choc des civilisations.

Non pas que ce dernier soit le vécu des bientôt sept milliards d'humains.
Mais il se vérifie à chaque fois que la communauté internationale essaye d'esquisser des orientations communes.