samedi 12 janvier 2008

Voeux 2008 : civilisons-nous !

Il s'agit en grande partie d'un message à un ami avec lequel on échange régulièrement des informations et impressions sur certaines tendances de fond.


A tous une année 2008 en bonne santé et pleine de bonheurs !

-j'évacue le politiquement correct du "toutes et tous", le genre masculin en grammaire met le mâle sur le même plan que le saucisson, la femelle sur le même plan que la cervelle, arrêtons de projeter sur les mécanismes du language les défauts de nos faiblesses à concevoir l'égalité des sexes.
-bonheurs au pluriel, le bonheur au singulier c'est être heureux en absence de raison et c'est ou une pathologie, ou l'amour des débuts qui rend bon et bêta. Et si de dernier ne dure pas qu'un temps, c'est que c'est aussi une pathologie!

Mais venons-en à notre année 2008, ou plutôt glissons-nous dans la problématique de civilisation lancée par N.Sarkozy -épreuve du baccalauréat de philosophie 2008? Chiche!-.
Je vais commencer par ma famille :

La banque de mon frère est heureuse : elle ne travaille que sur l'achat-revente de dettes et d'entreprises en faillite. Autant dire qu'elle est préparée à la situation actuelle ! Je ne suis pas sûr qu'il désire se poser beaucoup de questions sur la situation économique sous-jacente : c'est un scientifique, et il n'a plus d'exigences morales depuis son premier jour de travail.
Le drame c'est que c'est la règle dans son milieu. Ou plutôt non : que ceux qui représentent les intérêts des peuples, c'est devenu aussi leur règle. Les banques disent ouvertement et sans vergogne que les pouvoirs publics ont réagi correctement à la crise financière. Une perfusion de cash, et les signes cliniques disparaissent, et on y va à fond dans l'usure de la machine financière. Les pouvoirs publics se réjouissent de ce que les milieux financiers apprécient la dopamine. Ils se sentent utiles, et le font savoir aux peuples.
Cas exceptionnel : Interpol est dirigée par un ripoux. Exceptionnel que la justice puisse aller au bout de ses enquetes. On en rêve dans le domaine financier. Rêves d'Enron. Hier, les politiques étaient protégés face à la loi, pour garantir les fonctions vitales de l'Etat. Aujourd'hui, ce privilège s'est transféré du politique au financier, tant il est évident que ce dernier est le garant le plus honnete du vivre ensemble.

Rien à voir (apparemment) :
Vive l'église catholique romaine !
Fausto Bertinotti, leader du PC et président de l'Assemblée Nationale, Massimo D'Alema ministre des affaires étrangères et ancien leader des jeunesses communistes sont allés baiser la main du cardinal Bertone responsable entre autres des relations extérieures. Et n'ont pas manqué de faire leur coming-out religieux. Le premier est même parti en pélerinage dans les lieux saints orientaux. Le cardinal est une personne franche : dans le quotidien du Vatican il expose sa stratégie, s'inspirant du succès argentin. L'Italie doit redevenir l'Etat au service de l'Eglise. Noir sur blanc.

Notre président parle de politique de civilisation. Nos sociétés sont tributaires des efforts centenaires de nos états bâtis sur le modèle romain -avec l'aide de la morale chrétienne- pour civiliser l'individu. Remplacer la logique de coercition pyramidale centrée autour de la famille -et la violence de caractère tribal/féodal/local- par une logique d'arbitre supérieur élu de Dieu puis du peuple. Cette logique est mourante aujourd'hui, l'abdication du républicanisme face aux défis de l'élitisation des masses n'est pas seul responsable : nous n'avons pas encore trouvé d'équilibre dans la gestion des personnes intelligentes. Pendant des siècles le souverain décidait de l'intelligence licite ou illicite. D'autant plus facilement qu'il était seul juge et pouvait faire contrôler un minimum les sources de savoir et donc de contestation. Aujourd'hui, le moindre primate doté de cervelle peut trouver les moyens de la contestation du savoir établi grâce au net -les bibliothèques réelles ne désemplissent pas, l'Homme lit comme jamais avant avec le multiplicateur phénomènal qu'est le Net. (phénomène). Ce même primate peut partager ses vérités avec la même facilité, et avec des argumentaires renforcés par la diversification de ses sources. L'autorité n'a pas perdu le sens qu'elle n'a jamais réussi à imposer ( je suis d'une droite qui n'existe qu'en théorie, pour qui l'autorité est fondamentale -fondatrice- et la critique est nécessaire à en réaffirmer le besoin) : elle a simplement perdu ses moyens coercitifs. Que font les autorités faces aux rébellions ? De la guerilla. Polices spéciales, surveillance informatique discrète, dynamitages spectaculaires à l'occasion-"succès" de la crise des banlieues 2007-.Les terroristes et les résistants recourent à cette tactique car incapables de mener un front global. Les autorités font de même.

Et nos élites politiques et financières dans tout ça ? Elles servent des institutions dont elles n'ont pas le respect et qui de surcroit n'imposent pas le respect. La nation a explosé quand elle a arreté de mener des guerres collectives, nos élites ont rejeté le principal facteur agglomérant d'une société : la menace de l'autre. Tant mieux. On a récolté la menace deS autreS . Menace identifiée et combattue, souvent injustement et cruellement. Remplacée par sensation diffuse de menace, qui peut très bien aussi venir des autorités hier chevaliers défenseurs de notre village menacé. L'ennemi intérieur a ceci de destructeur pour une société qu'il intéragit directement avec ce qui nous entoure. L'ennemi lointain n'implique pas la défiance envers son infirmière et nos pompiers. L'ennemi de l'intérieur brise les solidarités de proximité. Il en découle que la représentativité et donc la démocratie sont ainsi en danger de mort. La Justice n'est plus perçue comme une femme bandée donc impartiale, mais bandée donc aveugle.

La politique de civilisation comme remède ? Son abandon dans les années correspondant à la révolution de l'information (nouvelles technologies = besoin primaire de communiquer révolutionné) l'appelle-t-elle comme remède, elle qui aurait dû être traitement préventif ? N.Sarkozy et surtout sa plume signent là la plus vivifiante prise de conscience culturelle depuis la libération des moeurs. Mais une chose est de le faire avant le big-bang des années 80-90-00. Une autre est de le faire à l'ère de la construction identitaire ad-hoc. Dans une jungle où tous les groupes proposant une vérité de civilisation s'affrontent sur un terrain qui a été laissé en friche. Vatican, mahometans, 68-tards attardés et institutions financières sont les mieux placés dans cette course affichée. Chinois ?
Réponse de F.Hollande : "la politique de civilisation, ça rapporte combien de sous ?"
Il y a urgence.
C'est mon voeu.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

L'ami a qui tu t'adresse entre autres ici est-il M.G Dantec ou Joseph de Maistre ? .... à moins que ce ne soit Foucault ou Nietzsche ?
(considérant les deux premiers comme respectivement héraults du désordre réactionnaire individualiste, de l'ordre collectif pragmmatiquement maintenu ; les deux derniers : de l'équilibre collectif spontané résurgent des monstruosités luttant entre elles, du désordre collectif novateur produit par des individus ayant ordonné leur volonté)
Peut-être les deux premiers seraient-ils classables à droite, les deux derniers à gauche, si ce clivage avait encore un sens. Un jeu en passant : sur ces quatre figures, l'une n'est pas un grand penseur. Trouver l'intru...
Merveilleuse fragmentation des identités qui sied sans doute à ce "post-modernisme conservateur" dans lequel tu as taillé ton drapeau européen (ceci n'est pas une critique).

Voici une pensée (le coeur de la pensée disons-même) de Nietzsche sur ce qu'on appelait au XIXe siècle "civilisation". Pour lui, il faut distinguer "culture" et "civilisation". La culture est l'augmentation de la force et de la variété des indvidus ; la civilisation, l'augmentation de la variété et de la force des communautés. A bien des égards elles sont contradictoires.
"Les points culminants de la culture et de la civilisation se dressent séparément, il ne faut point se laisser égarer sur l'antagonisme de ces deux concepts. Les grands moments de la culture sont les époques de corruption au sens moral. Les époques voulues et conçues de civilisation de l'homme sont celles de l'intolérance à l'égard des natures spirituelles et audacieuses."

Pour la culture, Nietzsche voit la Renaissance comme l'époque d'expérimentation des forces individuelles (Borgia, Léonard...), pour qui la civilisation n'est que le moyen dans le but de devenir des hommes d'un type nouveau ; pour la civilisation, les héros plus classiques qui l'intriguent (car leur but n'est pas l'hommme lui-même mais la création de nouvelles conditions pour elle-même ; non devenir des hommes supérieurs, mais devenir un nouvel outil, néanmoins sans fin déterminée (Le XIXe siècle technique, Bismarck, Napoléon...) ; la culture a une fin (l'homme supérieur ou homme nouveau, qui tente une nouvelle fois autre chose que le singe), mais pas de moyen ; la civilisation créé des moyens, mais pas de fin...
Comment sortir de cet enfer dialectique ?
Les période de culture sont pour Nietzsche des périodes de richesse matérielle gaspillée, propices à l'émergence par hasard d'individualités fortes, les périodes de civilisation, des périodes dures, qui crééent de nouveaux espaces doux de développement (la "serre démocratique" par exemple). La culture, s'est le jardinage généreux des plantes étranges et fragiles, la civilisation, c'est briser les parois de la serre en laissant mourir une grande partie des plantes, pour rebâtir une autre serre, ailleurs, différente... (sur Mars ? Dans l'union africaine ? Délires récents du Petit Président). Par détruire, on rappelle qu'il ne faut pas comprendre forcément détruire physiquement, mais, par exemple, empêcher certaines activités, couper les ailes à la recherche, à l'art, etc.
Aucune des deux situations n'est souhaitable seule ni durable. La Renaissance a abouti à la fragmentation des Etats, la civilisation de progrès au colonialisme et à la guerre aveugle dans l'oubli total de l'homme.

MAIS : les périodes les plus propices pour échapper à la répétition dialectique des deux volets (culture et civilisation), c'est à dire pour créer un genre d'individu enrichi apte à changer et la culture de l'homme comme fin, et la civilisation comme moyen, sont les périodes charnières - celles qu'on appelait du terme historiquement discuttable et politiquement connoté de "décadence" : richesse matérielle et effondrement de systèmes moraux.
L'abondance fruit de la civilisation ancienne permet l'émergence de nombreux types individuels (voir internet et les microcosmes sociaux, collectionneur de Bichons aux philatélistes, du spécialiste de l'agriculture hydroponique à l'expert de Saint Anselme... ), autrement dit le capitalisme tel qu'il est dans els pays riches : une sphère de l'oisiveté, dans laquelle certains pratiquer pratiquer l'"otium" comme éducation, pendant que d'autres font des tournois de "air-guitar" ou des chamionnats d'imitation de poule (1 sur 10.000 peu importe).
"Une culture de l'exception, de l'expérimentation, du risque, de la nuance : une culture de serre pour les plantes exceptionnelles n'a droit à l'exisence que lorsqu'il y a assez de forces pour que même le gaspillage devienne "économique" (Fragments posthume XIV, 16)
L'émergence des individualités vériées fragmente les pyramides morales (la libération des moeurs ? La chute de l'église ?). Pendant ce temps, la civilisation comme moule violent tremble et se rigidifie par réaction (elle devient réactionnaire : elle ne fait que répéter les formes etles valeurs de coercition qu'elle connait et dont elle a hérité aveuglément, sans rine inventer) , voir Sarkozy et ses plumes - ou ses plumeaux - repassant en boucle les valeurs usées de l'autorité ancienne (progrès technique, paternalisme, patriotisme) sous des dehors prétendus libéraux donc libérés.
Voilà donc des périodes ou l'individuel est une question (psychanalyse, coaching, boudhisme... sexologie), et ou le politique est une question (guerre, terrorisme, crise économique...)
La civilisation écrase en temps de rigeur les individus nouveaux, donc fins, donc dangereux et méconnus, méprisés... parce que beaucoup d'entre eux n'ont réellement rien à apporter... ou en apparence.... sauf quand elle accepte tout et tous par abondance de biens (on finance même aujourd'hui le "tuning" comme expression personnelle).
Dans ces périodes (de décadence), "peut-être appartient-il à l'économie de l'évolution de l'humanité, que l'homme se développe fragmentairement ... la plupart ne réprésentent que des fragments et des particularités de l'homme : ce n'est qu'en les totalisant qu'on obtient un homme..." aussi : "le jeu d'ensemble, ça et là, donne naissance à l'homme intégrale, l'homme miliaire, qui indique le point limite auquel l'humanité est parvenue jusqu'alors".

Alors ? Entendre humanité ici comme produit du jeu culture / civilisation. Cet homme (le surhomme de Nietzsche), n'est pas un sur-homme, mais l'homme entier tel qu'il est déductible de tous les essais qui existent déjà, somme des directions lancées...
en cela est nouveau celui qui synthétise. Et non qui spécialise. Faire des pôles d'excellence dans un domaine, c'est du pragmatisme voué non à innover, mais à répéter. Ils trouveront des moyens nouveaux, mais aucune nouvelle fin. Ils trouveront des pièces détachées nouvelles pour la serre de civilisation de demain, tout en ayant laisser exploser l'actuelle sans garantie de reconstruction, n'ayant pas même de "plan de construction".
Le "pragmatisme" est réellement le mode de pensé du singe (pierre, flèche, feu, voiture, épargne): penser avec ce qui existe déjà sous la main, emrunter des modèles à droite, à gauche, au Royaume Uni, en Allemagne, à Honk Kong...

Ce n'est donc pas de politique de civilisation (à droite), ni de politique culturelle (à gauche) qu'il faut parler, mais bien redéfinir cette vieille notion qu'est l'humain, l'humanité, l'humanisme, figée par sécurité après le péril nazi...
Qui sont les hommes totaux ? Nietzschze répond dans le Gai Savoir, par "nous autres, vrais européens". Qu'est-ce que l'Europe ? "une comédie qui n'a que trop duré, cette division de lEurope en petits Etats, ce pelage bigarré de dynasties et de démocraties" , "ce qui s'accomplit, c'est le lent avènement d'une humanité essentiellement supra-nationale" (Par delà bien et mal) , "on entend par Europe beaucoup plus de territoires que n'e comprend l'Europe géographique, cette petite presqu'île de l'Asie : l'Amérique surtout en fait partie, en ce qu'elle est justement fille de l'Europe"...
"Nous, sans patrie - : il ne manque pas, parmi les européens d'aujourd'hui, d'hommes qui ont le droit de se qualifier de "sans-patrie" en un sens qui distingue et honore...nous répugnons à tous les idéaux au sein desquels, même dans cette époque de transition fragile et brisée, quelqu'un pourrait encore se sentir "dans son pays" ...nous, sans-patrie, sommes quelque chose qui bris la glace, nous ne conservons rien, nous ne voulons pas retourner à quelque passé, nous ne sommes pas "libéraux", nous ne travaillons pas pour le "progrès" .

On voit alors que c'est le nomadisme de l'esprit e des valeurs, -n'être jamais là où on s'y attend- qui met sur le chemin de l'homme total. En quoi l'Européen peut-il être un nomade ? En étant inactuel vis à vis de totues les valeurs prônées dans la diversité de l'Europe, en étant spécialisé en rien mais critique en tout ? En étant détaché du besoin de créer des frontières, des organisations, des commununautés : "nous préférons de loin vivre sur les montagnes, à part, inactuels, dans els siècles passé ou à venir...nous sommes de bons Européens, les héritiers de l'Europe, les héritiers riches, comblés, mais aussi chargés d'obligation de millénaires d'esprit européen, issus du christianisme et également hostile à lui... nous ne considérons tout simplement pas comme souhaitable que le royaume de la justice et de l'hamonie soit fondé sur terre.."
Autrement dit : avant de penser à une Europe politique, il faut penser à ce qu'est l'esprit eurpoéen, l'esprit des européens. Et cet esprit, c'est le nomadisme possible dans une telle région du monde extrêmement diverse en cultures et en civilisation superposées, imbriquées, fossilisées entre elles...

Mais qu'est-ce que le nomadisme de l'esprit ? Quelle civilisation matérielle doit pouvoir engendrer et accueillie -de loin- une société de vrais européens nomades de l'esprit ? En étant loin des spécialités et de tout ce qui s'isole, dans l'esprit, c'est à dire en surmontant la frontière entre sciences séparées, entre ciences et art, entre technique et morale (et pas en annexant la morale par la technique) : "pareille position entre deux exigences si différentes est très difficile, car la science tend à une domination absolue de sa méthode...cependant, pour ouvrir au moins par une comparaison quelque perspective sur la solution de cette difficulté, on voudra bien se rappeler que la danse ne seréduit pas à un vague va-et-vient chancelant entre diverses impulsions.C'est à une danse hardie que ressemblera la haut culture : il faut beaucoup de force et d'agilité...il faut désormais considérer comme un indice capitl de grande culture la possession de cette force et de cette souplesse" (Généalogie de la Morale).

Voilà donc un long commentaire dans le ton de ce blog. Puisqu'il est sur internet, pourquoi ne pas évoquer ce champs de divergence possible que l'outil informatique en réseau offre entre culture et civilisation ? Entre distance nomade, individuelle, microcosmique, critique, possible
et support de spécialisation pragmmatique, d'encadrement, de fragmentation d'une civilisation qui ne se renouvelle pas ?

L'Europe ne doit-elle pas d'abord exister comme un dispositif dans le champs de l'information ? Un corps de signes dans le bruit de fond des sciences vantardes et des loisirs stériles ? Une organisation à distance d'un nouveau but humain ? Dans ce sens, elle ressemblerait d'abord en droit, sinon de fait, à un "Wikie" en ligne avant d'être un espace avec ses frontières, ne pouvant plus non plus être une "nation" coercitive et spécifiée avec son drapeau et son hymne... le vrai problème serait alors de savoir quelle civilisation contrôle les supports de culture des européens, et si, par exemple, l'Amérique est européenne d'esprit ou non, elle qui a inventé internet et le possède. Ou les paradis des libertés informatiques ? Et ceux qui n'on pas accès à ce champs techno-culturel, et donc ne peuvent pas réinventer l'individu ? (A quand le blog du paysan africain :"aujourd'hui, 35e jour de sécheresse et de famine, j'en profite pour poster une news...")

Alors vive les blogs, vive Limitatio Europae !!

Carlus Magnus.

Alciator a dit…

Quel commentaire !
Tant de problématiques abordées à la suite, toutes mériteraient une discussion appropriée et approfondie.

Je crains ne pas en être à la hauteur, surtout que ce commentaire donne une apparente unité de pensée qui me semble pour l'instant impossible d'atteindre .

J'adhère entièrement au distinguo culture/civilisation de Nietzsche, tout comme à votre excellente description du conflit entre les deux.
J'ai néanmoins un doute sur la nature exacte des transitions : quand la civilisation devient plus implicite et/ou quand les autorités -au sens de M.Serres: ceux et ce qui protège par sa puissance pour aider- perdent de leur capacité à définir la norme la transition avec une situation de primauté de la culture est très tenue, difficile à mettre en évidence -sauf peut-être à postériori-. Un raisonnement inverse peut être tenu pour la culture .

Si on utilise une image de loi de la nature, les moments où le conflit n'est peut-être pas le plus paralysant c'est quand le prédateur n'a pas encore le sentiment d'être en train de devenir proie mais qu'il a déjà arrêté de chasser est n'est donc plus à l'affut .

La limite de la démarche philosophique est alors que le surhomme de Nietzsche n'est que photographie d'un instant déjà passé. Le politique qui voudrait en tenir une leçon pour l'action ou l'individu un modèle à dépasser ne peuvent donc jamais en saisir l'intérêt à temps. Seul l'historien est apaisé quand il contemple le passé ? Il l'est d'autant plus qu'il sait qu'un historien futur saura prendre cette photographie de son présent insaisissable. Il sera expliqué.

Là où la pensée de Nietzsche est encore plus hasardeuse est dans sa tentative de définir "l'Homme-total", une humanité qui serait au-delà des considérations nationales comme individuelles .
Il me vient plusieures objections, une apparait structurée dans mon esprit : l'Homme sans-patrie, qui se distingue de l'apatride (une distinction similaire est à faire avec la mémoire, son dépassement n'est pas son absence), vit dans une société où personne n'est au même stade d'évolution (sans juger l'évolution comme un étalon de progrès). Or la vie en société est encore nécessaire à l'Homme, sur quelle mesure fonde-t-on la codification des liens sociaux (lois, famille, coutumes, goûts ...)? L'hypothétique "Homme total" est bien obligé de faire un pas en arrière pour rester en société, et des Hommes trop marqués par la défense de la culture ou de la définition se sentent peu "représentés" (les normes sociales étant trop éloignées de leurs aspirations), il n'y a aucun équilibre viable.

On en revient à théoriser une transition assez commode pour le raisonnement, mais qui dans les faits est déjà la victoire de l'un sur l'autre.

Alciator a dit…

Une autre considération me vient à l'esprit, relative à la fin de votre commentaire sur "l'esprit européen"

Il me semble, et je regrette que ce ne soit pas de moi, avoir lu une tentative de définition autour justement de cette volonté permanente d'avoir raison et d'immédiatement questionner ses certitudes.

Mais en bon "post-moderne conservateur" -il me semble que c'est ainsi que Dantec se définit, et la réponse à la devinette étant qu'il est l'intrus des 4 cela ne me convient pas entièrement, mais soit !- je ne peux m'empêcher qu'il y a un creuset de civilisation et de culture qui a permis cette éclosion. Pourquoi en Europe et pas ailleurs ? Les tentatives de réponse sont nombreuses mais toutes faibles : hasard des découvertes -mais l'on sait aujourd'hui que l'Asie disposait de connaissances supérieures-, structure de concurrence post-féodale entre les monarchies (mais l'Inde...), sécularisation due au matérialisme lié au développement urbain des "villes libres" permettant l'apparition du rationnel dans la démarche politique à long terme (mais le monde arabe...)

Dans le doute, la seule réponse est une réponse par défaut : c'est le creuset de civilisation européen qui en est responsable.
Principale objection -mis à part celles qui accuseraient l'ethnocentrisme- : de partout dans le monde aujourd'hui apparaissent les meilleurs . Le déterminisme culturel est donc battu en brèche.
"L'esprit européen" ne serait donc qu'un "état d'esprit" propre à n'importe quel individu dans des conditions propices .
Disparition de l'idée "d'européen", donc.Et cette hypothèse est à mon sens dangereusement destructurante.